Le jardinage comme je le pratique réserve bien souvent des
surprises. Voici l’histoire de l’une d’elles.
Fin avril j’observe la mélisse et la menthe qui ont atteint
une belle taille avec ces pluies ( qui continuent d’ailleurs) et d’habitude il n’y
a pas de feuilles mangées sur ces plantes. Et voilà que sur la mélisse je vois
des feuilles découpées. Je regarde cela avec davantage d’attention et je vois
une petite « chenille » verte bien cachée. Je me dis une chenille qui se nourrit sur la mélisse ,
c’est un sujet intéressant à observer.
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Bien camouflée dans la mélisse, une petite " chenille" verte. |
Je prélève la tige avec quelques feuilles, le tout installé
dans un verre bien protégé sur la terrasse.
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Elle fait entre 1 et 2cm mais refuse de se montrer déroulée. |
Une rapide photo de la « chenille » qui refuse
absolument de se détendre mais elle ne présente pas de grande particularité à
mes yeux (je le regrette aujourd’hui) et je la laisse sur sa feuille de
mélisse.
Après quelques jours de vacances je vois que tout s’est bien passé, la « chenille »
a fait un joli petit cocon de soie blanc et se transforme tranquillement à l’intérieur.
Je sais qu’il me faut être patiente pour voir le papillon qui en émergera.
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Un joli cocon de fils soyeux cache maintenant la petite larve. |
Hier matin , comme tous les matins je rends visite à mes
pensionnaires et une énorme surprise m’attend : le joli cocon soyeux est
ouvert et le papillon attendu est en fait .....un charançon!
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Et voilà qui se cachait à l'intérieur du cocon. Donus salviae qui n'a pas encore sa couleur définitive. |
Je ne m’attendais absolument pas à voir un charançon sortir
de ce cocon ! J’imaginais qu’il se métamorphosait dans des cocons plus
solides et dans le sol ! Là il était sur une plante bien visible !
Mon hypothèse de départ était totalement erronée, ce n’était
pas une chenille, mais une larve .Le fait de ne pas avoir bien cherché à voir
pattes et fausses pattes (qui caractérisent la chenille) a été la cause de
cette méprise !
Maintenant il me restait à mettre un nom sur le charançon
nouvel émergé !
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Donus salviae fait entre 6 et 8mm, il est pourvu d'un rostre et d'antennes coudées. |
Après consultation de la galerie du forum www.insecte.org , j’en
suis arrivée à Donus salviae.
Pour confirmer cette identification je me suis servie de la
minutieuse description faire par Adolphe Hoffmann, dans la Faune de France n°59,
Coléoptères Curculionides, disponible sur le web.
J’ai fait des photos tôt le matin et j’ai été surprise de
voir que la couleur noire dont parle l’entomologiste n’apparaît pas. Le soir je
refais quelques images et l’insecte est bien noir. C’est souvent ainsi, il faut
attendre quelques heures après l’émergence pour que la couleur définitive de l’insecte
apparaisse.
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Donus salviae , vue générale |
« Long. : 6-8
mm. Brièvement ovale dans les deux sexes, très convexe,
noir; le revêtement
du prothorax peu dense, celui des élytres serré,
composé de poils
squamuleux, bruns, cendré-verdâtre ou roussâtres;
prothorax pourvu
d'une ligne fine médiane claire(2), les interstries impairs
des élytres concolores
ou plus clairs et portant, en outre, de nombreuses
macules foncées,
assez tranchées(1).; antennes ferrugineuses(3); tarses bruns(4). »
L’allure générale correspond, il faut maintenant vérifier
les détails.
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Les annotations reprennent la description faite par Adolphe Hoffmann |
La vue de dessus permet aussi de voir la forme du prothorax dont la « sa plus
grande largeur en avant du milieu », il est droit en arrière pour le mâle
et mon exemplaire est une femelle au prothorax légèrement sinué en arrière.
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Donus salviae aux fémurs épaissis,é échancrés au sommet près du genou et subdentés |
Un autre détail est plus difficile à voir il s’agit des fémurs, si on les voit bien
renflés , la vue de l' échancrure près du genou et la double sinuosité ne
se voit que lorsque la bestiole est sur le dos.
La photo qui suit permet de voir le protibia (tibia de la paire de patte attachée au prothorax,
c’est dire la première paire de pattes) doublement sinué.
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Des yeux plats, un rostre cylindrique et caréné. On y voit aussi le scrobe, la rainure dans laquelle s'insère le scape. |
De plus on y voit bien le rostre. Il est finement ponctué, pubescent, cylindrique
faiblement arqué. Je cherchais à voir les cils sensitifs placés à son
extrémité.
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Les antennes à 7 articles. |
Les antennes
avec leur forme caractéristique, sont composés de 7 articles installés au bout
d’un scape.
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Détail des antennes |
Ledit scape s’insère
dans une rainure du rostre nommé scrobe. Ces petites bêtes ont le sens du
détail et un sens pratique bien développés : parfois ces antennes coudées
sont une gêne et il faut pouvoir les replier et les ranger.
Mon long bavardage m’aura permis grâce à la photo numérique
de bien présenter et beaucoup mieux "voir" ce petit charançon méditerranéen qui
passe pour assez rare. Mais aussi la mise à disposition sur le web de documents
tels que Faune de France est une aide précieuse pour les non spécialistes comme
moi.