Encore une histoire
en plusieurs épisodes .
18 août 2014
Episode1
Cela fait maintenant 4 mois que j’attends cela . Du mois
d’avril à celui de juin je savais qu’il ne se produirait rien. Mais à partir de
juillet je regardais chaque jour ce qui se passait dans le pot contenant le
cocon. Juillet a passé et rien !
Début août je commençais à m’inquiéter d’autant plus que je
devais m’absenter et j’aurai été très déçue de voir l’émergence se passer en mon
absence.
Voilà que le lendemain de mon retour, çà y es,t le papillon a
enfin vu le jour, c’est sympa de m’avoir attendu.
Lasiocampa quercus femelle, après l'émergence sur son cocon. |
De qui s’agit-il ? Du Minime à bandes jaunes dont j’avais
élevé depuis le mois d’octobre 2013 deux chenilles. Histoire que je raconterai
dans un autre billet !
Lasiocampa quercus femelle au troisième jour. |
C’est une femelle ses ailes ne sont pas complètement
déployées mais ce léger handicap ne va pas la gêner. Ses antennes filiformes,
son abdomen très gonflé sa couleur claire en sont les marques distinctives.
Elle reste immobile et agite de temps en temps ses ailes.
Je vais la mettre sous cloche sur la terrasse. J’ai une
jolie cloche à fromage en maille dense qui sert maintenant de cloche à
papillons. Le matin ma terrasse est à l’ombre. En début d’après- midi il commence à faire chaud mais il ne se
passe rien. Ce n’est que vers 17 heures que je le vois. Qui donc ?
Celui que j’attendais et que madame Minime a attiré !
Bien sûr le mâle Lasiocampa quercus. Il est plus foncé que la femelle ses
grandes antennes pectinées l’identifie.
Il vole sans s’arrêter, inspecte le toit, les murs, les fenêtres, mes bottes de
jardin, s’approche de jolie cloche avec sa pensionnaire et reprend le large dans le jardin. Un quart
d’heure plus tard le voilà de retour et j’inspecte en haut en bas , au niveau
du sol et ouf , enfin se pose …sur la
cloche !
Lasiocampa quercus mâle au premier plan, la femelle sous les feuilles |
A partir de là tout
s’enchaine, je le mets sous la cloche et la dame s’agite , le rapprochement est
rapide. Ce sera pour moi l’occasion de photographier le Minime à bandes jaunes mâle.
Lasiocampa quercus mâle , dessous des ailes. |
Fabre donne une jolie explication de l’origine du nom du
papillon qu’il appelle le Minime à bande :
«cette dénomination (..)
est motivée par le costume du mâle : robe monacale d’un roux
modeste. Mais ici la bure est délicieux
velours, avec bande transversale pâle et petit point blanc oculé sur les ailes
antérieures. »
Au bout d’une demi- heure chacun s’en retourne dans son coin
et madame Lasiocampa quercus se met à pondre. Je lui avais mis une branche
avec des feuilles à disposition, elle l’a dédaignée, s’est mise sur le sol et a littéralement expulsé ses œufs qui ont
roulé pour s’accumuler sur le relief formé par une feuille de papier.
Précisons que, dépourvus de trompe, ces papillons ne se
nourrissent pas au stade adulte, consacré seulement à la reproduction de l’espèce.
19 août 2014
Au petit matin je trouve mes deux papillons toujours
tranquillement installés.
Je les transporte à l’extérieur et je mets le mâle à
l’extérieur de la cloche. Il ne bougera pas de la journée. Mais vers 16 heures
un réveil soudain et hop en deux coups d’aile il s’envole, un petit tour sur la
terrasse puis il prend le large. Et
Madame Minime n’aura pas d’autre visiteur.
Episode 2
J’avais deux chenilles
en automne. La première s’était nymphosée le 19 avril, la seconde le 1er
mai.
Comme 10 jours séparaient les nymphoses, je m’attendais au
même intervalle entre les émergences.. Ce ne fut pas le cas, 3 jours plus tard,
je vois dans un autre endroit du jardin , devant la fenêtre de l’endroit où je
garde mes élevages, un mâle de Minime à bandes jaunes voleter. Cela me met la
puce à l’oreille. Le matin j’avais vu le cocon intact et voilà que maintenant à
15 heures mon papillon est né ! C’est une femelle. Je suis un peu déçue, j’espérais
un mâle.
Lasiocampa quercus, la seconde femelle quelques heures après l'émergence. |
Mais la suite sera vraiment surprenante.
Lasiocampa quercus seconde femelle: détails de sa tête, sans trompe et ses antennes simplement dentées. |
Le lendemain, je mets ma femelle âgée de 24 heures sous cloche
sur la terrasse. Et c’est là que je vais avoir droit à un spectacle
fantastique. A 14h30, un premier mâle vole sur la terrasse.
Venu de loin le mâle Lasiocampa quercus cherche la femelle |
Pour le photographier je le mets « en boîte ». A
peine éloignée voici un second qui se présente. Même opération ! Un troisième
arrive.
La scène va se répéter 15 fois. Je renonce à partir d’un
certain moment à les éloigner, j’en aurais ainsi 5 à tournicoter sur ma
terrasse certains se posant sur ma tête ou mon appareil photo. Tenter de les photographier
en action est impossible. Leur vol est rapide, changeant sans cesse de
direction, montant descendant, se retournant…
Deux mâles se chamaillent sur la cloche contenant la femelle. |
J’ai essayé de les photographier sur la cloche. Comme nous
sommes à l’ombre c’est techniquement difficile et jamais le papillon n’immobilise
ses ailes.
Suite des chamailleries des mâles les ailes , les pattes, l'abdomen, tout est en mouvements! |
Je me posais la question de savoir combien de temps le
papillon volait sans se poser. Et bien très longtemps. Sur la terrasse j’ai
ainsi vu deux ou trois papillons se poser à deux mètres environ de la cloche au
bout d’une demie heure de vol non- stop.
La seconde femelle avec son mâle. |
Il se posait alors n’importe où .J’en ai vu deux sur le sol,
un autre contre un mur. Alors ils sont à la merci du premier prédateur venu,
car ils restent immobiles pendant plus d’une heure ! Et ensuite hop, sans mouvement
préalable, on se met en route et on s’éloigne rapidement.
Dans ma main on a une idée de la taille des papillons, par ici les femelles n'atteignent pas les tailles maximales. |
J’ai passé ainsi de 15 à 18 heures à observer ce ballet. J’ai
ensuite éloigné la femelle et lui ai proposé un compagnon. Le mariage fut bref !
Vue de dessus du couple Lasiocampa quercus: on voit bien la femelle plus grande que le mâle. |
J’ai été étonnée de voit tant de mâles dans mon environnement
alors que je n’avais jamais vu un seul Minime voler et pourtant je suis assez
observatrice..Lasiocampa quercus est donc bien présent chez nous, mais discret !
Bonsoir Lucie, je suis impressionné par la qualité de l'observation que tu nous proposes, merci !
RépondreSupprimerFANTASTIQUE, ce travail, Lucie!
RépondreSupprimerTu t'es donné bien du mal mais quelle récompense de pouvoir observer ce manège provoqué par tes protégées!
Une belle "leçon de choses"!!
Bizzzz à vous deux et bon dimanche!
Les chimistes et les créateurs de parfum devraient s'intéresser de très près aux effluves émises par ces dames papillons, elles me semblent très efficaces pour pécho les mecs !
RépondreSupprimerUne chance que l'émergence ne se soit pas produite en ton absence, nous aurions manqué un super reportage.
Je reprendrai mes publications plus tard, j'arrose la Suzanne (2 m et +) et ses voisines, je boucle mon sac et je repars jouer le rôle de Super Mamie. Il faut juste que je me trouve quelques armes secrètes pour faire face à la situation et tenir le coup jusqu'à la rentrée.
Un article très bien documenté et illustré !
RépondreSupprimerJ'ai appris beaucoup de choses sur ce papillon...
Merci et bisous Lucie
Quelle belle aventure, et une nouvelle activité ?
RépondreSupprimerOrganisatrice de "speed dating" ?
Passionnée et tenace tu nous sers sur un plateau tes recherches et de beaux résultats : quel boulot... heureusement récompensé !
La photo :
"Lasiocampa quercus seconde femelle: détails de sa tête, sans trompe et ses antennes simplement dentées."
est exceptionnelle
Merci Lucie
Amicalement
Des photos et des observations uniques comme vous avez le don de les faire. De belles couleurs monochromes.
RépondreSupprimerJ'ai hâte de te voir raconter cette histoire d'élevage. J'avais bien deviné que tu devais en faire mais j'avais un doute d'autant que je ne suis pas ton blog depuis ses débuts. Ça m'intéresse beaucoup car cette année j'ai trouvé plusieurs chenilles de mélitées sur des plantains et j'aurais aimé les sauver du fauchage intempestif des bas côtés de route par chez nous et hélas je ne m'y connais pas du tout en élevage...
RépondreSupprimerPourrais-tu nous expliquer (m'expliquer) comment tout a commencé pour toi? Comment tu as trouvé aussi plein d'infos. Malgré des guides c'est difficile d'identifier autant végétaux qu'insectes...
Bonne semaine et merci d'avoir partagé cette fabuleuse expérience!
Une observation détaillée pour un exposé ludique vraiment captivant Lucie, c'est du beau travail, y compris les images qui sont belles et très explicites.... j'admire ta patience et je te dis bravo.
RépondreSupprimerBonne fin de semaine.
C'est passionnant ton récit et tu nous montres des images fabuleuses de ce papillon mâle et femelle .
RépondreSupprimerQue de patience et d'observation pour avoir un tel spectacle .
Bises
génial!
RépondreSupprimerJe sais, Lucie, je l'écris à toutes les fois, mais bon dieu que ton jardin recèle des trésors inestimables. Tu as une patience que peu d'observateurs ont et, ce qui est génial, c'est que cette patience n'a d'égale que ta générosité à partager avec autant de talents toutes tes trouvailles. Ces papillons sont d'une grande beauté. Comme tu l'exprimes à la fin de ton billet, comment se fait-il que toi, si perspicace et observatrice, tu n'avais jamais réussi à voir voleter un minime dans ton environnement ? C'est fou comme la nature est discrète. Il faut croire qu'elle ne livre ses secrets qu'à ceux ou celles qui le méritent vraiment ;-). Bye ma chère et au plaisir.
RépondreSupprimerMerci Laval , pour tes commentaires enthousiastes!
SupprimerC'est vrai que la nature est discrète mais si riche. Pourtant mon jardin est loin d'être grand mais nous le laissons vivre tout en nous régalons de ce que les cultures faites nous offrent! Cette année ce sont des pommes et des poires en abondance après des prunes et des mirabelles. Nous avons le sens du partage puisque les oiseaux et les insectes aussi se régalent(y compris des visiteurs nocturnes comme le blaireau)!