Pour observer les insectes il faut de la patience. Patience
de les voir se poser, de prendre le temps de la photo. Puis patience de
chercher les critères visibles pour déterminer qui est sur l’image.
Mais il faut aussi de la constance. D’une année à l’autre
dans les mêmes endroits, sur les mêmes plantes on rencontre les mêmes espèces.
Mais parfois , elles ne se ressemblent pas vraiment . Alors se reposent de
nombreuses questions et les recherches qui s’en suivent.
L’explication : chez les hyménoptères, mâles et femelles ont une apparence
différente.
C’est ce qui m’est
arrivé avec ce mâle d’Osmie qui m’a donné bien du fil à retordre !
En 2018 j’ai observé Hoplitis cristatula femelle, cette belle découpeuse des pétales de
lavatère ponctuée. En 2019 aussi, et cette année sa descendance est toujours à
l’œuvre dans le jardin.
Toujours en 2018, j’avais photographié un mâle (13 articles
aux antennes, 7 segments abdominaux)
avec les derniers tergites particuliers.
Joli mâle à l'abdomen terminé par deux lobes, de la famille des Osmies (Hoplitis) , mais lequel? |
Il faut savoir que chez certaines espèces, les derniers
tergites des mâles sont bien différents et donnent (en partie) l’identité du sujet.
En utilisant la documentation à ma disposition et les photos
faites j’étais persuadée d’avoir vu Hoplitis papaveris.
Vue des derniers tergites si particuliers de cette abeille de la famille des Osmies (70 environ en France) |
Pourquoi ?
Dans Fauna Helvetica
9 où sont étudiées les Osmie, par Amiet ,
lorsque je suis le cheminement de la clé, ayant vérifié au préalable que l’abeille a 2 cellules
cubitales aux ailes et un pulvillus aux pattes, j’arrive tranquillement à Osmie
papaveris, la seule qui possède un tergite 6 avec 2 dents latérales et le
tergite 7 avec 2 lobes !
Joli popotin bien visible quand l'abeille a le nez plongé dans la fleur! |
Mais ce que j’ignorais c’est que cette clé étudie
les espèces suisses(47) et s’il y des vallées très agréables dans ce beau pays,
nous ne sommes pas au bord de la Méditerranée. Or chez nous il y a davantage
d’espèces et certaines que l’on ne
rencontre pas en Suisse.
D'autres détails significatifs se trouvent sur la face ventrale
de l’abeille. Or dans une situation normale, on ne la voit pas.
Vue latérale du mâle Hoplitis cristatula, on voit ses grosses mandibules. |
J’ai trouvé ensuite un texte de Benoist* consacré aux Osmies
de la Faune française, l’étude porte sur 70 espèces et propose une clé.
Début juillet , j’ai eu la chance de trouver un de ces mâles sur une
catananche bleue et pas bien réveillé, je l’ai transporté sur ma table de
photographie. Il me faudra bien du temps pour le chatouiller et le convaincre
de me montrer sa face ventrale et les quelques photos faites sont parlantes.
Ce dormeur s'est trompé de fleur: les copines sont sur les mauves et les lavatères! |
Que faut-il regarder ? les 3, 4, 5 èmes segments
abdominaux.
Dans notre sujet, le 4ème est fortement échancré et cilié, le 5ème plus faiblement sinué.
Voici les éléments de la clé qui ont permis de progresser.
- le 7éme segment est émarginé avec 2-4dents ou lobes
- le 6éme segment dorsal porte de chaque côté une dent
L'abdomen de notre dormeur |
- le 4 ou 5ème segment ventral ou les deux, sinués au bord postérieur, le 7éme bilobé
Abdomen d'Hoplitis cristatula mâle: on voit le sternite , très sinué et cilié |
- mandibules à dent terminale très longue égalant le tiers de la longueur de la mandibule, 4éme segment ventral échancré et longuement cilié, le 5éme non cilié, légèrement échancré = cristata.
Hoplitis cristatula mâle :une mandibule avec une dent bien longue. |
Anciennement appelée Osmia cristata, aujourd‘hui Hoplitis cristatula, voici donc identifié ce mâle bien présent dans le jardin. Ce n'est pas étonnant puisque la femelle se voit toujours en train de découper les pétales des lavatères ponctuées. Même si je ne la vois pas tous les jours "au travail", le résultat est visible sur les fleurs.
Pour mémoire, Hoplitis papaveris a les sternites 4 et 5 échancrés et ciliés et la dent terminale des mandibules plus courte.
Bibliographie
Une étude qui serait déjà remarquable s'il s'agissait de sujets inertes et qui devient exceptionnelle quand on sait qu'après avoir livré tous les détails de leur intimité ces abeilles pourront retourner butiner !
RépondreSupprimerBonjour Lucie,
RépondreSupprimerTu as parfaitement raison il faut de la constance et de la patience. C'est d'ailleurs comme cela que l'on voit les passionnés !
Merci pour cette nouvelle série. Les gros plans sont bons pour les personnes comme toi .... moi, j'admire le côté photos avec des fleurs. Une fleur et un insecte ensemble c'est tellement joli.
Belle fin de journée
Que d'abeilles différentes dans ton jardin, tout comme dans le mien d'ailleurs.
RépondreSupprimerce petit être a de bien beaux yeux
;)