En faisant ma tournée du soir, le soleil bien caché par les
nuages collés aux hauteurs avoisinantes, je repère sur une tige de lavande une
abeille. Elle est bien accrochée et respire paisiblement, on voit son abdomen
qui se soulève régulièrement.
Megachile willughbiella , mâle, tarses aantérieurs avec sa frange blanche. |
En m’approchant, je remarque quelque chose d’insolite :
ses pattes avant me semblent différentes de ce que je vois habituellement.
Elles sont très blanches et épaisses. Je cueille doucement l’abeille et la
porte sur ma table photo pour l’examiner. Les premières photos confirment que
ses pattes antérieures sont très particulières. Les tarses (le pied) sont très élargis et très poilus. Une pilosité
blanche bordé de brun clair. .
Megachile willughbiella , mâle, détail des tarses antérieurs |
Une petite recherche sur le net m’oriente vers des « Mégachiles
mâles en gants blancs ». L’expression est bien choisie.
Il s’agit bien d’un Mégachile mâle. Les femelles n’ont pas
de telles fantaisies aux pieds !
Pour reconnaître rapidement une famille d’abeille, je
regarde sur les ailes les cellules dites cubitales : 2 cubitales signifient Mégachile si on observe une brosse
ventrale chez la femelle. (ou une Osmie si entre les griffes des pattes on
observe une petite excroissance nommée pulvillus).
Megachile willughbiella , mâle, dort sur la lavande |
Il n’existe que quelques mâles Mégachiles avec des gants blancs, mais il faut cependant essayer de savoir qui dormait sur la lavande.
Quatre espèces sont possibles :
- Lagopoda, une des plus grandes : 14 à 18mm grande taille, tibias postérieurs épaissis et arqués ;frange blanche des tarses avec des extrémités noires
- Maritima ressemble à Lagopoda, un peu plus petite, frange des tarses : blanche à extémité brunâtre
- Willughbiella, nettement plus petite que les précédentes, mais les tibias postérieurs sont normaux, commune en zone urbanisée. Mon sujet mesure 13mm.
- Nigriventris : une dent externe sur la mandibule, beaucoup plus rare, se rencontre surtout en montagne.
Tout m’oriente donc vers Willughbiella. De plus d’autres détails s'ajoutent pour confirmer :
- le dernier article des antennes est plus ou moins visiblement dilaté, c’est bien visible sur la photo ci-dessus.
- Le premier article du tarse postérieur est étroit, long, 3 fois plus long que large, aux côtés parallèles
Sur cette super page en allemand j’ai trouvé un détail intéressant :
- la largeur de la frange tarsale est égale au moins à la largeur du métatarse ce qui me semble bien le cas. Ce qui n’est pas le cas pour les autres Mégachiles à frange blanches.
Megachile willughbiella , mâle, détail la frange, on note une épine à l'apex du tibia |
La largeur de cette frange et le dernier article de
l’antenne aplati, dilaté se rejoignent pour confirmer cette identification.
A quoi servent cette frange et ces tarses élargis ?
Lors de l’accouplement le mâle tient la femelle et des
glandes odorifères libèrent des
« parfums » captés par
les antennes de la femelle. Monsieur a non seulement des beaux gants blancs
pour conquérir madame, de plus il est parfumé !
Megachile willughbiella , mâle, joli mâle en gants blancs! |
Ce qui est sûr que cela attire le regard de l’observateur
curieux !!.
Cette abeille solitaire niche dans le bois mort, sous les écorces dans
des anciennes cavités de coléoptères.
La femelle est une découpeuse de feuilles d’arbres variés et
se nourrit de pollen sur des fleurs variées (polylectique).
J’ai trouvé cette particularité physique de ce mâle très
intéressante et je suis toujours admirative de ces petits détails que la Nature
a distribués dans ce petit monde qui nous entoure. C’est aussi une des raisons
pour laquelle j’écris et je publie ces photos !