La pêche est devenue une activité régulière dans mon jardin.
Evidemment, vous aurez noté que je ne pêche pas au bord de la rivière ou d’un
étang, mais au bord de la piscine. Celle-ci étant entouré d’herbes, de nombreux
insectes vont y boire ou s’y promener. Et en général deux fois par jour, j’en
retire quelques imprudents ou intrépides. Reconnus et déjà identifiés, ils sont
expédiés plus loin dans l’herbe au-delà de la barrière qui entoure la piscine.
J’y fais encore bien des rencontres intéressantes d’insectes
que je n’aurais jamais vus tant ils sont discrets ou vivent bien cachés dans la
végétation.
C’est un bel
hyménoptère, en fait c’est une dame, que j’ai sorti de l’eau avant-hier soir.
Myrmilla erythrocephala, femelle |
Je me sers pour le décrire de « Hyménoptères
vespiformes.(Sphegidae, Pompilidae, Scolidae, Sapygidae, Mutillidae), L.
BERLAND, 1925, Faune de France 10 » , disponible sur le net.
La famille à laquelle appartient notre sujet est celle des
Mutillidae : le thorax est fait d’un seul morceau sans sutures visibles,
les femelles sont souvent aptères.
Ensuite il faut savoir si c’est un mâle ou une femelle. Les
femelles n’ont jamais d’ailes, les mâles oui, le plus souvent ; les
antennes des mâles ont 13 articles, celles des femelles seulement douze.
Mon individu est une femelle.
Myrmilla erythrocephala, femelle avec sa pilosité dressée en plus des soies couchées surtout sur l'abdomen |
On arrive au genre Myrmilla en observant:
- la tête, plus large que le thorax
- le deuxième article des antennes au moins deux fois aussi long que le troisième(1 sur la photo détaillée de la tête)
- premier segment abdominal portant sur les côtés une petite apophyse(3 sur la photo ci-dessous)
Etape suivante : quelle espèce de Myrmilla ?
On suit la clé:
- le deuxième tergite abdominal n’a pas de tache claire, on passe à la suite
- ensuite il faut observer les deux petits appendices que l’on voit en haut du premier segment abdominal. En regardant l’insecte se promener c’est bien difficile à voir. Mais grâce aux photos de l’insecte en mouvement on l’aperçoit. Ensuite il faut déterminer si cet appendice est simple, en crochet tourné vers l’arrière.
Myrmilla erythrocephala, femelle, détails à observer |
J’ai opté pour la première alternative. D’autres éléments
viendront ensuite confirmer mon identification
J’observe bien :
- Le premier sternite abdominal muni, en dessous, d'un appendice dentiforme ou spiniforme plus ou moins allongé (1 sur la photo ci-dessus),
- tubercules antennaires noirs, dentiformes (2);
Myrmilla erythrocephala, femelle, détails des antennes. |
Heureusement des schémas viennent éclairer cette description
et c’est ainsi que je suis sûre d’être en présence de Myrmilla erythrocephala.
La description donne des précisions supplémentaires.
La taille des femelle oscille entre 9 et 13mm, cela dépend
de la nourriture ingurgitée par la larve.
Myrmilla erythrocephala, femelle, des bandes claires sur les tergites abdominaux, surtout le troisième. |
L’abdomen est noir avec 3 bandes claires soyeuses, sur le
bord postérieur du premier tergite elle
est large, sur le second elle possède au milieu une avancée en forme de pointe,
le troisième tergite est presque
entièrement recouvert.
Au fait quelles sont les mœurs de ces hyménoptères ?
Les Mutillidae sont des parasites qui pondent, pour
simplifier, leur œuf dans le nid d’une autre abeille solitaire, à côté de son œuf.
La larve du parasite mange celle de l’abeille .
Certaines Mutillidae s’attaquent
à une espèce particulière d’abeilles.
Si la parasite est attaquée par la femelle qui défend son
nid, son tégument est solide et résiste bien. De même la plupart d’entre elles
possèdent un dard et sont capables d’infliger des piqures douloureuses, alors pas
question de toucher ces dames !
En photographiant Myrmilla erythrocephala, je me suis
souvenue avoir vu un individu semblable l’an passé, j’étais persuadée que
c’était la même espèce.
Au premier abord on voit que la tête est noire et non rouge.
D’ailleurs je l’avais identifié comme Myrmilla capitata.
Elle présente les caractères de la famille des Myrmilla mais :
- le premier tergite abdominal présente bien un appendice sur chaque côté
- ensuite cela diffère car les tubercules antennaires sont rouges, on n’y voit absolument pas les petites pointes latérales, le front est lisse
Myrmilla capitata, femelle, avec sonappendice sur le 1er tergite |
Ensuite la tête est noire, les 4 et 5eme tergites
abdominaux sont dépourvus de bandes claires. Sur le 3eme
tergite la bande pileuse blanche n’occupe pas tout le tergite ; il s’agit
là de Myrmilla capitata.
Comparaison Myrmilla capitata , à gauche, Myrmilla erythrocephala, à droite |
Ces deux espèces sont
surtout répandues autour de la Méditerranée. On sait que M. capitata parasite une espèce
d’Halicte.Je sais pour les avoir observées que plusieurs espèces d’Halictes
fréquentent mon jardin. J’ai aussi vu dans la garrigue de manière furtive des
Mutillidae qui disparaissaient bien trop vite sous les cailloux pour pouvoir les
photographier.
Heureusement je vois beaucoup plus d'abeilles solitaires"utiles" que leurs parasites .
Heureusement je vois beaucoup plus d'abeilles solitaires"utiles" que leurs parasites .
Encore une belle trouvaille !
RépondreSupprimerMerci pour ton éclairage sur ma bestiole ;)
Bon jour Lucie,
RépondreSupprimerTrès très belle observation et explications. Des détails à couper le souffle.
Merci à ta piscine du coup car sans elle nous serions privés de tes découvertes ;-)
Je me trompe ou toutes les abeilles naissent avec des ailes et soit elles les perdent après l'accouplement, soit les ouvrières les leur arrache ? Mes connaissances sont très incomplète, et du coup, je fais peut-être erreur.
Très intéressant ton article, comme toujours.
Bise et bonne journée
Pascale tu confonds avec les fourmis qui sont aussi des hyménoptères.Les abeilles ont presque toutes des ailes qu'elles gardent toute leur vie.
SupprimerJe voulais dire fourmis bien sûr ;-) Pas réveillée encore la fille...
SupprimerIl est bien question de fourmis et non d'abeilles.
Exact, tu as tout bon!De temps en temps tu devrais voir des émergences de fourmis, elles volent dans tous les sens au-dessus de l'herbe, font le régal des oiseaux ! Le pic vert aussi sait bien les trouver!
SupprimerHihihi, en fait c'est ton titre qui m'a mis le mot abeille en tête, et je suis restée bloquée dessus ;-)
RépondreSupprimerMyrmilla erythrocephala et Myrmilla capitata, des abeilles parasites !
Ce sont bien des abeilles même si elles ressemblent à des fourmis! C'est d'ailleurs ce que m'a dit mon mari quand il a vu les photos, "encore un insecte qui imite les fourmis"
SupprimerAllons bon, elles trompent bien leur monde ;-)
RépondreSupprimerEn plus elles ne sont pas dans le guide D&N des abeilles...
Tu as raison, j'ai élargi le sens. Elles ne font pas partie au sens strict de la famille des Apoidae. Pas plus qu'on ne peut les mettre dans celles des Fourmis.J'ai trouvé une jolie expression les caractérisant dans Wikipedia "fourmis de velours". Il est souvent difficile de simplifier quand on cherche à "accrocher" un insecte peu connu à une famille que tout le monde connait..
SupprimerC'est une guêpe parasite, elle est solitaire
SupprimerCoucou Lucie,
RépondreSupprimerJe reviens après avoir fait d'autres recherches (ah la curiosité et l'envie d'apprendre ;-) et en avoir parlé avec un de mes amis entomologiste et qui a travaillé pour le MHNP (formé avec la personne qui a remplacé Lucien Berland, Simone Kelner-Pillaut).
En effet il s'agit d'une famille bien à part, entre les abeilles et les fourmis (Mutillidae), et j'ai également trouvé ce nom de "fourmis de velours". Ce ne sont donc ni des fourmis ni des abeilles.
Autre info que je te transmets de la part de mon ami : l'ouvrage de L. Berland est complètement obsolète et n'est plus utilisé depuis longtemps en raison du nombre d'erreurs qu'il contient.
Il y a un Russe A.S. Lelej qui a laissé sur le net un PDF sur les Mutillidae d'Europe Occidentale. Malheureusement je ne le trouve qu'en Russe, mais il existe. Si je le retrouve je repasse te donner le lien ;-)
Merci Pascale pour toutes ces infos.
SupprimerJe sais que le Berland est obsolète. Mais je n'ai trouvé que des bribes d'infos ailleurs qui me permettaient de caractériser ces deux curieux insectes. Tu sais que je cherche surtout à attirer l'attention en éveillant la curiosité des lecteurs pour prêter plus d'attention à tout ce petit monde qui nous entoure.
Je vois que cela a fonctionné.Je suis sûre que tu en verras sur les sentiers caillouteux de ta garrigue. Mais elles sont plus rapides que nous et disparaissent vite sous les cailloux. Il ne faut surtout pas les chatouiller avec les doigts!!
Re coucou Lucie,
RépondreSupprimerOh là là, me concernant, je n'ai besoin de personne pour éveiller ma curiosité surtout dans la nature, je née curieuse sur ce sujet ce qui désespérait ma mère car je rapportais des couleuvres dans ma chambre et du coup, j'étais une grande crado à déjà me traîner par terre.
Là, j'ai été surprise par l'appellation "abeille".
Je ne chatouille pas les animaux et encore moins les insectes de crainte de les blesser, ceux qui montent sur ma main viennent sans que je les saisissent.
Merci à toi pour cet échange.
J'ai modifié le titre afin de ne plus induire le lecteur "en erreur".
SupprimerCet échange aura servi à clarifier la place des Mutillidae dans la vaste famille des hyménoptères. Merci beaucoup!
Tiens un doc sur cette famille : http://www.atlashymenoptera.net/biblio/Clombe_2003_Lelej_1985_Mutilles_URSS_partim.pdf
RépondreSupprimerC'est la faune d'URSS mais cela peut être intéressant.
Merci Pascale!
SupprimerBonjour Lucie,
RépondreSupprimerOui, tu fais "de belles pêches" sur le bord de ta piscine. Aujourd'hui encore, voici un rescapé qui peut se vanter de faire de la macro photo sur ton blog !
Bon, je suis bien nul en entomologie disons que j'apprends puis j'oublie très vite. C'est un monde très difficile pour moi, il faut être une passionnée comme toi.
C'est formidable et je te remercie pour tes articles toujours bien élaborés
Bigre je tombe sur un forum ? Tes visiteurs sont plus savants que moi, il faut que j'étudie le cas de cette abeille-fourmi dont je n'avais pas idée. Je vais me contenter d'une question toute bête : comment fais-tu pour les faire tenir tranquille pendant l'examen clinique approfondi dont tu nous donnes le détail ?
RépondreSupprimerAu fait, je passais voir si tu avais publié l'Opisthograptis luteola, la citronnelle rouillée, je me noie dans les tags
Eh oui, me revoilà lancée dans les bestioles, il faut bien occuper ces jours de froidure.
Vite la perche pour te repêcher: non je n'ai pas publié sur ce papillon!
SupprimerPour les tenir tranquille,je leur parle beaucoup et j'attends! Quand ils ont fini par explorer le coin que je leur destine, en général ils font un brin de toilette et j'en profite! Je tourne le support très doucement. S'ils recommencent à courir, j'attends. Je reviens plus tard...C'est une histoire de patience!
Je te console, chez nous aussi il fait frais!
Bonsoir Lucie
RépondreSupprimerTes photos macros de ces hyménoptères sont superbes et on apprend plein de choses .
Bises