dimanche 14 juillet 2013

Miarus distinctus, petit charançon sur campanules


L’histoire commence en  lisant cette publication . Elle sera un peu longue!


J’aime les campanules et j’ai  Campanula trachelium   qui pousse dans divers endroits du jardin .Je suis encore une fois allée vérifier qu’il s’agissait bien de Campanula trachelium  chez moi de  et non de  Campanula rapunculoides  dont parle Foise.

Et en observant les fleurs j’y vois de minuscules  charançons .

Un petit charançon se promène sur une fleur de campanule.

A partir de là il s’agit de les photographier et ensuite de leur donner un nom.

Je commence cette fois la recherche à l’envers. Comme je les ai trouvés sur une campanule, je prends la liste des plantes hôtes située à la fin du volume 3 de la Faune de France consacrée aux Coléoptères curculionides par Adolphe  Hoffmann.

Et je cherche campanulacées .

Une impressionnante liste de campanules est proposée et tous les insectes qui les utilisent comme plante hôte,( c’est-à-dire qui y pondent leurs  œufs et dont les larves se développent ensuite sur la plante) appartiennent au genre Miarus ! Super ! Il ne me reste plus qu’à explorer cette famille !

Petite vérification en amont pour être sûre que mes charançons sont bien des Miarus.
Les Miarus font parties de la tribu des Mecinini (page 1264)

L'écusson est visible, c'est la toute petite pièce qui se trouve entre les 2 élytres


Je recopie le texte :

Yeux latéraux, leur intervalle, sur le front, aussi large que le rostre. Antennes à funicule de 5 articles. Trochanters courts et obliques. Segments ventraux à bords rectilignes. Ecusson visible.
Ici, le détail de la minuscule antennes avec ses 5 articles
D'autres caractères visibles: les bords des segments ventraux sont rectilignes et les trochanters obliques et courts


Voyons maintenant ce qu’il faut pour appartenir au genre Miarus

Hanches prothoraciques écartées ; rostre au repos, replié entre elles. Prosternum à bord antérieur échancré au milieu.Ongles libres. Corps ovale
Au repos le rostre est bien replié entre les hanches

Hanches prothoraciques : c ’est la  partie du thorax qui porte la première paire de pattes on peut le voir sur la photo ci-dessus et on voit la gouttière qu’elles forment pour loger le rostre.

La flèche indique l'échancrure au milieu du prosternum


J’ai la certitude d’être dans la bonne famille. Le charançon appartient à la famille des Miarus. Maintenant il s’agit de trouver l’espèce.

Je vais utiliser la méthode sérieuse en me servant de la clé décrite par l’auteur de l’ouvrage. Il s’agit d’examiner les différents indices fournis  par cet insecte d’environ 3,5mm.

Mes insectes sont vivants, ils bougent et se promènent et les photographier en grossissant entre 2 et 3 fois pour y voir quelque chose n’est pas facile. La plus grande difficulté vient de la profondeur de champ très limitée et la seconde de la nécessité de monter en isos car il faut essayer de fermer l’objectif pour accroître cette profondeur de champ. Ce qui explique que les images mettent la netteté sur le détail recherché et pas sur l’ensemble du sujet.

Il s’agit maintenant de suivre la clé qui va permettre de déterminer de quelle espèce de Miarus il s’agit, il y en a une dizaine en France.

Deux propositions au départ :

  • Elytres à pubescence assez longue, plus ou moins relevée,plus condensée en arrière, le long de la suture, où elle détermine une sorte de crinière. Métafémurs assez épais. Dernier sternite du mâle sans caractères spéciaux   aller en 11
  • Elytres à pubescence dorsale plus courte, fine, souvent appliquée contre les téguments (1). Métafémurs plus allongés,nullement renflés. Dernier sternite (5e) du mâle, portant une excavation profonde, glabre, luisante, limitée de chaque côté par un tubercule aigu aller en 2

En regardant l’allure générale de l’insecte, je vois la pubescence plus dense le long de la suture des élytres et des métafémurs (cad  ceux de la 3eme paire de pattes) épais( première photo).

 JE VAIS EN 11 : deux nouveaux choix

  • Insecte allongé ; côtés des élytres en grande partie parallèles. Interstries élytraux (sauf parfois le premier ou les deux premiers) avec une seule rangée de poils sétiformes soulevés ; crinière apicale de la suture courte .  aller en 12
  • Insecte ovalaire ou subarrondi, interstries portant plusieurs rangées de poils  aller en 13

Les interstries portent bien plusieurs rangées de poils

Mon insecte n’est pas allongé mais surtout les interstries portent bien plusieurs rangées de poils on en voit deux ou trois, je vais en 13


Deux choix

  • Métafémurs armés d'une dent plus ou moins développée mais distincte .
  • Métafémurs inermes(sans dents) aller en 18

Je ne vois pas de dent sur les fémurs de la 3eme paire de pattes , je vais en 18 ! Ouf, c’est la fin du parcours et deux descriptions s’offrent

  • Corps suboblong, élytres subparallèles dans leur moitié antérieure ; prothorax à côtés subparallèles vers la base. Dessus subdéprimé. Pubescence dorsale et ventrale grise ou flavescente, fine couchée, peu serrée sur les interstries. Crinière apicale de la suture souvent peu accusée. Métafémurs non échancrés. Long. : 1,6-2 mm .. micros
  • Corps en ovale court ; élytres à côtés assez arqués ; prothorax à côtés convergents en avant dès la base. Dessus convexe. Pubescence dorsale dense, gris-cendré ou jaune olivâtre clair. Crinière apicale atteignant presque le milieu de la suture. Rostre femelle long et grêle, notablement plus long que la tête, et le prothorax réunis. Métafémurs faiblement échancrés vers l'extrémité. Long. : 2,5-3,5 mm.. distinctus

Ici le choix est facile car mon insecte fait nettement plus de 2mm, c’est donc Miarus distinctus

L’auteur décrit ensuite minutieusement l’insecte. J’y retrouve bien les caractères de mes petits charançons. Il précise ensuite que c’est pendant la seconde quinzaine de juillet que Miarus distinctus est abondant sur Campanula rapunculus. Or dans mon jardin c’est sur Campanula trachelium, que l’on peut d’ailleurs confondre avec le précédent que je les vois .
Miarus distinctus



Les campanules sont en fleurs et vous aurez l’occasion en regardant à l’intérieur de la corolle de voir ces petits charançons de la famille des Miarus ! Bien sûr ils sont très difficiles à déterminer en les  voyant, mais la fameuse crinière sur la suture est assez visible quand on a un peu l'habitude, leur taille aussi donne une idée de l'espèce. Agrès la photo donne bien sûr des indications complémentaires.
Ce sont aussi des insectes bien aptes au vol . Celui-ci m'a montré ses ailes lors d'une toilette complète!

Des ailes membraneuses bien repliées sous des élytres parsemés de poils en rangs serrés!


14 commentaires:

  1. Well done for persisting and getting an ID in the end!

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  2. Très belles photos de ce petit bout de chose,
    et excellente leçon sur ce qui nous arrive souvent:
    "Comment procéder pour une identification?"
    bravo pour ce travail!

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  3. Quelle belle description. Passionnant comme toujours. On dirait que le charancon s'est auto-tricote! Il est bien joli.

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  4. wow , une belle recherche pour identifier cette petite bête ! tes photos sont absolument géniales :)

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  5. merci pour ce cours de méthode et de lexique
    dis donc c'est du sport pour voir tout ça et le montrer. On voit le sujet qui s'efforce de se redresser - mais tu as cliqué avant.
    Les auteurs de toutes ces belles descriptions ont probablement usé de moyens plus radicaux pour immobiliser le sujet... hum hum.. définitivement

    Bon je pense aussi que tu ne nous as pas dit le nombre de photos inexploitables...
    Et tu n'as as parlé de la vitesse de prise de vue non plus.
    Moi j'ai tendance à éluder les pb de champ en prenant du recul, avec des images grande définition que je recouperai - parce que depuis que j'augmente systématiquement la vitesse j'y arrive mieux, et parce que le temps que mon apn fasse la mise au point, les bêtes bougent trop ( et même les fleurs, dans mon pays de vent).

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    1. Effectivement , les vrais entomologistes observent les insectes en "pièces" parfois détachées!
      Moi je m'amuse bien plus en les voyant bouger , j'ai parfois l'impression qu'il s'instaure une communication entre nous! On peut toujours rêver!

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  6. Juste une question encore
    "écusson visible" : serait-ce une "pièce" TOUJOURS PRESENTE? (chez qui ? chez tous les coléoptères? )
    ... et donc parfois occultée par les élytres?

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    1. Non, tous les coléoptères n'ont pas d'écusson. Par exemple,Les coccinelles ont les élytres qui se touchent de la base au sommet!

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  7. Rôôô dis-donc!
    C'est de plus en plus précis et décortiqué... articles et photos!
    Je leur trouve une bouille extraordinaire quand même à tous ces charançons!
    Comme je n'ai pas le temps de trop me pencher sur les insectes en ce moment (libellules mises à part!!) j'apprécie de voir ici!
    Grand merci pour tout le mal que tu donnes... c'est passionnant!
    Bises à vous deux!

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  8. Et une fois lancée à décortiquer les particularités de l'anatomie des charançons, tu as oublié de regarder cette campanule !

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    1. Si , si aucun doute c'est bien trachelium, elles sont toujours bien là dans différents endroits du jardin!

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  9. C'est une vraie science ici! Bravo! J'ai vu comment tu procède...Bravo!
    Bien charmant, ce petit charançon, comme si il était entièrement tricoté :)
    Bonne semaine, Lucie! Belles investigations dans ton jardin!

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  10. Comme tatiana on dirait qu'il porte un petit tricot ce charançon.
    Bises

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Votre avis sur ce sujet m'intéresse;je lis toujours les commentaires avec beaucoup de plaisir, ...même si je n'y réponds qu'occasionnellement.