samedi 19 mars 2016

Zicrona caerulea, une punaise bleue prédatrice, se réveille.

Le printemps est à nos portes. Après une journée bien froide où la neige s’est invitée sur les hauteurs au-dessus de 1000m, le jardin a retrouvé le soleil et des températures agréables. Aux alentours de midi, voici que des insectes sortent le bout de leur nez et se remettent en mouvement sortant de leur abri hivernal. En l’espace d’une heure j’ai vu ainsi sept insectes, tous de couleur bleue sombre.
Il s’agit d’abord de deux punaises.

Zicrona caerulae, un large clypeus*

Il est rare de trouver des insectes presque entièrement bleus, avec des reflets violets par endroits.
J’avais déjà trouvé ces punaises au mois d’octobre, puis en décembre sur le géranium parfumé qui pousse dans une plate- bande. Ce sont donc des adultes qui ont passé l’hiver et qui reprennent maintenant leur vie pour se reproduire.
Zicrona caerulea  appartient à la famille des Pentatomidae, les punaises qui comptent 5 articles aux antennes. Dans cette famille elle fait partie des Asopinae, avec 65 genres  répartis dans le monde entier, mais seulement 8 en France.
 Les Asopinae se distinguent par leur large clypeus. Elle est facile à reconnaître : entièrement bleue très sombre , elle a une taille comprise entre 5,5 et 10mm. Les fémurs de la première paire de pattes sont inermes(ne comportent pas de dents, comme certaines autres espèces) et son rostre  qui est épais, sont des critères supplémentaires de détermination.
Zicrona caerulae, des profémurs inermes*

Je vous ai en introduction parlé de la capture de 7 insectes, les autres étant des altises, petits insectes sauteurs phytophages de la famille des Chrysomelidae. J’avais mis chaque punaise dans une boite en compagnie d’altises. Bons sauteurs je pensais que jamais Zicrona caerulea, ne les attraperait surtout en quelques instants le temps de m’occuper d’installer l’appareil photo !  
Quelle ne fut pas ma surprise de voir la punaise ayant embroché l’altise et la promenant comme un trophée.
Zicrona caerulae,un prédateur efficace, ici une altise des oléagineux*

C’est bien la preuve que Zicrona caerulea est prédatrice : ici il s’agit d’un adulte d’Altica oleracea, très commune et répandue partout en France.

Dans la seconde boite le même spectacle s'est reproduit un peu plus tard.Et la punaise n'a pas lâché sa proie pendant que j'essayais de l'installer pour la photographier, elle s'est promenée sur ma table avec son repas au bout du rostre.Plus tard dans l'après midi, j'ai retrouvé l'altise abandonnée, sans doute vidée de sa substance nutritive! Celle-ci ayant pénétré dans la proie par la partie inférieure de l'abdomen , la seconde ayant choisi , toujours sur la partie ventrale un point sous le pronotum.

Zicrona caerulea est une  punaise prédatrice utile comme agent de lutte biologique contre les ravageurs, notamment  des larves de chrysomèles(les Altica, Galerucella, Timarcha…)  et même contre d'autres espèces de pentatomidés, qui sont toutes phytophages, ou plus rarement certaines petites chenilles de lépidoptères.
Zicrona caerulae une punaise toute bleue*


La couleur bleue de la punaise joue un rôle défensif : « Ces altises et chrysomèles ont toutes des défenses chimiques toxiques. Il est vraisemblable que Zicrona caerulea  réutilise les molécules de défenses de ses proies pour sa propre protection chimique »(Les Punaises Pentatomoidea de France, Roland Lupoli & François Dusoulier, Editions Ancyrosoma,2015.)
On le voit avec la couleur des altises qu’elle consomme ici.
De plus les larves  présentent une couleur supplémentaire aposématique : le rouge.
Zicrona caerulae,larve au dernier stade

Ici visible sur une larve photographiée antérieurement  en mai 2015, et restée dans la catégorie des non identifiés !

Ces punaises se rencontrent partout en France dans les milieux où elles trouvent de quoi se nourrir, sur plantes et arbustes dans les milieux frais et humides. Par son rôle de prédateur de certains insectes qui s’attaquent aux plantes (j’ai vu des articles où l’on parlait de larves de doryphores), c’est un ami du jardinier !
*Photos grossies 2 fois




samedi 12 mars 2016

Chrysolina rossia,( Chrysomèle russe):adulte, oeufs, larves.

L’histoire commence en février 2014. Cette année- là, je remarque dans l’herbe un joli coléoptère noir avec une bordure rouge bien vif et bien marquée.
Je recueille l'insecte avec des feuilles de plantes environnantes pour le photographier et l’identifier.
Chysolina rossia, une bordure rouge qui s'étend jusqu'à l'apex des élytres

Ce n’est pas facile car il existe plusieurs chrysomèles présentant cette combinaison de couleurs. C’est souvent en recherchant « le détail »  que j’arrive à une conclusion: Chrysolina rossia, Chrysomèle russe !
Chysolina rossia, une bordure rouge qui débute dans la partie basale des élytres
Après avoir lu tous les articles concernant les 5 chrysomèles à bordure rouge dans Coléoptères phytophages d’Europe, Chrysomelidae, de Gaëtan du Chatenet que j’en arrive à Chrysolina rossia


Quel est donc ce détail ?
Il se trouve sur le pronotum: ses bords sont rectilignes (arrondis chez les autres) et sa forme est en trapèze.
Chysolina rossia, un pronotum en forme de trapèze avec des côtés rectilignes
Les autres détails correspondent aussi : les élytres sont fortement ponctués, sans que l’on puisse distinguer de stries nettes ; sa taille, environ 8mm, la bordure rouge des élytres qui commence au milieu de la base de celles-ci, et arrivant jusqu’à leur apex.
Sa distribution est limitée en France aux Alpes maritimes et au Var. On la trouve plus souvent en Italie.

Identifiée, notre chrysomèle est destinée à être relâchée dans son milieu. Mais surprise, l’insecte m’a laissé un souvenir : des œufs ! Fin février, cette femelle adulte qui a passé l’hiver dans l’herbe a repris son rôle : elle assure maintenant l‘avenir de son espèce.

C’est le début de la seconde partie de ce billet : les œufs et les larves de cette petite chrysomèle.

Ponte de Chrysolina rossia
Recueillie le 21 février, c’est dès le 23 février que j’ai trouvé ces œufs oblongs, bruns de 2 à 3mm de long. 

œuf fécondé
De couleur brune, ils resteront ainsi jusqu'à la naissance des larve où les enveloppes vides seront translucides.
Jour 1 larve de Chrysolina rossia

Il ne se passe rien jusqu’au 15 mars où les premières larves naissent  , soit une vingtaine de jours plus tard. Vient alors le problème de leur alimentation qui est très importante. Dans ma documentation, ces insectes se nourrissent sur diverses espèces de Linaires. N’ayant pas trouvé de Linaires dans ma prairie, je me suis rabattue sur une espèce appartenant à la même famille (les Scrophulariaceae) très présente chez moi : la Véronique de Perse. Et cela a bien fonctionné.
Les petites larves s’en sont régalées.
Larves Chrysolina rossia jour2

J’aurais ainsi la possibilité de  les "élever " pendant plus d’un mois et je les vois ainsi muer deux fois passant de 3 à 10mm.
Larve Chrysolina rossia jour3
Les changements sont peu importants , mais lentement la larve grandit.
Larve Chrysolina rossia jour 4: l'appétit va bien!
L'appétit est excellent et les feuilles de la véronique de Perse ont bon goût!
8 jours et 4mm
Pour augmenter de taille, il faut changer d'enveloppe, c'est à dire muer. Cela se passe le douzième jour.
Mue du douzième jour, tête est encore translucide.
Peu après la mue, la tête n'a pas encore prise sa couleur noire.On voit aussi au bout de l'abdomen, une ventouse claire qui sert à aider la larve sur son support.La larve a plus que doublé de taille elle est passée environ de 3 à 11mm en un mois!
Larve âgée d'un mois, elle a bien grandie


Je ne verrais pas les derniers stades car devant partir je les remets dans le jardin afin qu’elles puissent continuer leur cycle.
La tête est bien noire, le pronotum bien dessiné .
Ensuite il lui faudra encore subir une vraie métamorphose pour devenir le joli coléoptère adulte. Cela se fait en terre à l'abri d'un cocon.
Nous sommes en mars et nous aurons l'occasion de voir adultes et larves sur les linaires qui constituent leur nourriture préférée! 

lundi 15 février 2016

Goéland railleur, Chroicocephalus genei, un petit goéland !

Voici un des plus petits goélands (42 à 44cm), mâle et femelle sont semblables Nous l’avons aussi rencontré dans le delta de l’Ebre, mais chaque fois en solitaire.
Goéland railleur sur un petit chenal dans une saline

On peut le rencontrer chez nous sur le littoral méditerranéen où il est rare et protégé. Il niche essentiellement chez nous en Camargue. Un peu plus gros qu’une mouette rieuse en compagnie de laquelle nous l’avons vu à la pêche sur des chenaux étroits.
Goéland railleur sur un canal d'écoulement vers la mer

 Il est aussi moins massif que les autres goélands : son bec très fin est rouge foncé et son œil bordé d’un cercle rouge, l’iris est pâle.
Les pattes sont rouges et les plumes claires du ventre  sont légèrement rosées, ce qui est bien difficile à voir !
Goéland railleur, en vol on voit enfin le rose de sa poitrine

En Europe, la population nicheuse ne dépasse pas 2000 couples.
Les poissons constituent 50% de leur régime alimentaire, complété par des insectes et des mollusques.
Goéland railleur , le poisson constitue l'essentiel de sa nourriture

On le rencontre en hiver en Méditerranée et autour de la péninsule arabique  principalement, l’espèce se disperse en partie pour se reproduire jusqu’en Inde.
En compagnie d’un adulte nous avons aussi rencontré un immature au bec et aux pattes moins colorés, orange pâle au lieu de rouge.
Goéland railleur: immature  au bec et aux pattes de couleur orangé.

Après  cette publication, une petite pause s’impose !
Belles observations à tous, amis lecteurs !

jeudi 11 février 2016

Goeland d’Audouin, un endémique méditerranéen


Voilà un oiseau dont les études montrent que le nombre a sérieusement augmenté ce qui est une bonne nouvelle( d’habitude, c’est hélas, l’inverse que l’on constate) entre les années 1970 et 1990.

Goéland d'Audouin en bord de mer Méditerranée.
C’était un goéland rare , il est toujours protégé mais l’essentiel de sa population se concentre sur peu de sites, celui du delta de l’Ebre en étant le principal.

On le rencontre sur d’autres sites au bord de la Méditerranée, en particulier en Corse où l’on essaie de protéger les petites colonies. C’est une espèce endémique de Méditerranée.
Goéland d'Audouin  prêt à s'envoler

Nous sommes allés à sa rencontre dans le delta de l’Ebre.
Goéland d'Audouin à l'envol, il n'aime pas poser pour la photo!

Comme toute colonie nicheuse, il ne faut pas s’approcher des zones où les oiseaux sont installés. Nous y étions au moment de leur installation et ceux que nous avons vus à une certaine distance avait fait un bon choix ! 
Une des zones de nidification: en arrière plan l'activité des salines.

Nous sommes dans une vaste zone de salines et les oiseaux avaient choisi des digues peu élevées entre des bassins. La courte végétation qui recouvrait ces zones les mettait à l’abri des regards et l’eau les protégeait des prédateurs terrestres. Nous y étions au mois d’avril c’est dire que la nidification n’avait pas commencé.
En couple

Le Goéland d’Audouin est plus petit que le Goéland leucophée : 48cm contre 58cm,son plumage gris est aussi plus pâle. La pointe des ailes est noire, le reste du corps blanc. Les pattes grises et surtout le bec rouge assez sombre avec une barre noire sont des caractères les différenciant.
Les intrus ne sont pas les bienvenus

Comme la colonie est suivie on rencontre certains oiseaux bagués.
Nous avons assisté à des différents entre oiseaux : il s’agit simplement de la défense d’une petite zone de digue « réservée » par un couple.
En voilà un de chassé!

 Les intrus sont alors violemment chassés d’abord par des avertissements sonores avant qu’ils n’aient posé la patte au sol. 
Encore un autre!

Si l’intrus ose se poser on lui indique alors par la manière forte qu’il est prié d’alors voir ailleurs et ce sans attendre. D’ailleurs il a vite compris et n’insiste pas: chacun chez soi !
Ouf! Viré!


Ce fut un plaisir de voir cette colonie se porter à merveille dans cet environnement relativement protégé même si l’activité humaine n’est pas loin : les salines fonctionnent bien et l’été la plage immense n’est pas loin. Lorsque nous y étions l’endroit était désert et les oiseaux profitaient de la plage pour se nourrir ! 
Goéland d'Audouin bagué.

vendredi 5 février 2016

Capucins bec de plomb : bien installés dans les alentours du jardin.

Ces petits oiseaux échappés de captivité se sont bien implantés sur la Côte d’Azur !
 
Capucin bec de plomb sur le cotonoaster
D’abord sur la zone côtière de Nice à Cannes, les voilà maintenant présents dans l’arrière- pays et dans mon jardin.
Capucin bec de plomb dans le noisetier

Depuis 2 ou 3 ans je les voyais de temps en temps faire un passage dans le jardin. Depuis l’an passé je sais qu’ils nichent dans les alentours.
Capucin bec de plomb  toujours dans le noisetier

Cet hiver je les ai vus quasiment tous les jours. Ils ne viennent pas à la mangeoire, les graines de tournesols sont bien trop grosses pour eux.
Capucins bec de plomb se nourrissant sur le plumet de l'herbe de la pampa.

 Ils furètent dans les buissons, sur les noisetiers et sur les plumets des herbes de la  pampa. C’est d’ailleurs pour eux (et les rainettes méridionales) que je laisse ce pied dans le jardin.
En couple dans le noisetier

Dès le mois de décembre bien doux que nous avons eu je les ai vus d’abord se nourrir en petits groupes : ils sont alors 5 ou 6 qui s’appellent et « discutent » de leur voix si fluette et reconnaissable.
En famille sur l'herbe de la pampa

La buvette sert aussi de point de rencontre entre espèces différentes : on peut ainsi se rendre compte de la petite taille de ces oiseaux, ils sont plus sveltes que les petites mésanges bleues, même si leur longue queue fine leur donne une allure allongée. C’est bien sûr leur bec large, gris de plomb, qui en fait des granivores essentiellement.
Capucin bec de plomb et Mésange bleue , à la buvette

Déjà à cette époque on préparait le nid, j’ai ainsi vu à deux reprises un oiseau ramasser une plume, sans doute de tourterelle turque qui en se chamaillant continuellement, perdent parfois une de leurs petites plumes.

Capucin bec de plomb, la buvette sert aussi de bain!

J’ai ainsi assisté au spectacle très complexe de la récupération de ce précieux duvet. En survolant un petit enclos l’oiseau repère le  dans l’herbe : il ne se précipite absolument pas. Il fait un large détour, s’approche et s’installe sur une petite barrière qui surplombe la zone stratégique. Il observe longuement les alentours et soudain, plonge et hop ! repart avec son précieux butin ! 
Capucin bec de plomb avec sa précieuse plume

Si en décembre les plumets du pampa servent de rassemblement familial pour se nourrir, il en va différemment ces derniers jours.
Au nourrissage!

 Maintenant ils servent à la cérémonie du cadeau : il faut cueillir un brin  et ensuite le tendre à sa chère moitié qui en comprend en général la signification, l’acceptation du cadeau est en général suivi de l’accouplement.
Monsieur cueille un "bouquet" pour la belle , en retrait à gauche!

Pour l’instant je n’ai vu que la première phase de la cérémonie. Même si le nid est prêt il vaut mieux encore attendre pour fonder une famille, l’hiver n’a pas encore dit son dernier mot !
Un cadeau pour moi! Oh! J'arrive!


J’aime beaucoup la présence de ces petits oiseaux qui originaires d’Inde, ont un jour été « libérés » dans la région et depuis se sont installés en s’insérant dans la faune locale sans nuire aux autres oiseaux présents dans notre région.

Des histoires plus anciennes des Capucins bec de plomb dans le jardin :