samedi 11 février 2012

Arima marginata, un coléoptère qui aime les plantes à parfum.




C’est une histoire qui commence en juillet 2010 et elle comporte plusieurs épisodes.

Episode 1


Dans la garrigue qui fait partie de mes parcours préférés je rencontre sur des lavandes un gros insecte noir et lourdaud. Je pense alors à un Meloe avec ses élytres tronqués et son abdomen surdimensionné. L’insecte mesure environ 12mm .Mais comme je vois un trait brun le long des élytres je me dis qu’il s’agit sans doute d’une espèce particulière de Meloe. J’en vois plusieurs et  certains en couple perchés en haut de brindilles. Le mâle (7mm) comme souvent est plus beaucoup plus petit que la femelle. J’en reste à mon idée première et je pense toujours avoir vu des Meloe.

Un gros coléoptère  noir aux élytres qui ne recouvrent pas l'abdomen, se déplace sur une tige.

Fin du premier épisode.
Episode 2

Pendant l’hiver 2010-11, je mets de l’ordre dans mes dossiers et je vérifie l’identité de mon coléoptère. Ce n’est pas un Méloe. Les recherches commencent.
Couple d'Arima marginata, le mâle bien plus petit que la femelle.

Après un passage par Insecte.org (le forum), j’en arrive à  Arima.

Arima fait partie de la grande famille des Chrysomèles qui sont souvent des insectes aux couleurs brillantes et vernissées. Celle-ci fait exception ! J’apprends qu’elle appartient à la sous- famille  des Galerucinae.

Mais deux candidats se présentent quand il faut lui attribuer son nom propre : est-ce Arima marginata ou Arima maritima ?
Arima marginata avec sa côte bien marquée sur l'élytre.

La présence le long de l’élytre d’une côte que l’on voit bien sur les photos nous oriente vers marginata. C’est aussi l’espèce qui est la plus documentée .Pourquoi ?

 Cet insecte se nourrit sur les plants de lavande, sauge, hysope, les plantes à parfum en général. C’est d’ailleurs comme ravageur de l’hysope qu’elle a été connue sur les hauteurs de Nice. C’est aussi dire que c’est un insecte que l’on rencontre en Provence essentiellement.
L’insecte est identifié : fin de l’épisode 2.

Episode 3


Nous sommes maintenant au printemps 2011 et je cherche des Arima pour essayer de trouver des individus sans côtes qui appartiendraient alors à la sous- espèce maritima, plus précoce.

Mes recherches dans ce domaine seront sans succès. Ma première rencontre avec Arima a lieu le 6 Mai, c’est toujours marginata avec sa côte latérale du pronotum présente.

Je vais en rencontrer ensuite en divers endroits, sur de la sauge dans le département voisin du Var, puis sur de la menthe.
Couple d'Arima marginata perché au bout d'une inflorescence de sainfoin.

Je pense que seule marginata est présente dans ma zone.

Fin de l’épisode 3.

 Episode 4

L’automne arrive puis l’hiver et comme beaucoup j’en profite pour mettre à jour mes dossiers, identifier les inconnus rencontrés pendant les sorties printanières et estivales..
Larve Arima marginata vue en avril 2011.

J’avais en avril, puis en mai photographiés des « chenilles toutes noires ». Mais en regardant dans la documentation je n’ai pas trouvé de correspondance. Ces chenilles avaient aussi un manque important : elles n’avaient pas de fausses pattes. C’est en relisant un texte sur le ravageur des plantes à parfum aromatiques et médicinales (PAPM) qu’est Arima marginata que le déclic s’est fait ! C’est une larve d’Arima marginata que j’ai vu. En fait il y en avait plusieurs, elles étaient au pied de certaines plantes de lavandes encore bien peu développées à cette altitude de plus de 1000m.
3 paires de vraies pattes(1) et pas de fausses pattes sur l'abdomen,et une pseudo patte anale(2)

Plus tard, à une altitude moins élevée (800m) j’en ai vu sur des fleurs de thym .C’est bien sûr au stade larvaire que ces Arima sont les plus nuisibles aux cultures. L’insecte adulte passe plus de temps à se reproduire qu’à se nourrir.
Chenille de Gazé avec ses vraies pattes (2)et ses 5  paires de fausses pattes (1): voilà la différence avec une larve d'Arima

Comment distinguer une larve d’une chenille de papillon ? La chenille a des fausses pattes situées à l’arrière du corps (5 paires  pour beaucoup de papillons), la larve d’Arima n’a que des pattes ( 3 paires comme tous les insectes)et une pseudo patte anale qui lui sert à se maintenir sur la plante.
C'est donc à la fin de l'année 2011 que la boucle a été bouclée !

Fin de l’épisode 4.

Arima marginata au stade larvaire est polyphage et consomme des feuilles de lavande, sauge, menthe, mais aussi camomille et fait des ravages dans ces cultures. Je n’ai jamais approché de zones cultivées et toutes mes rencontres se sont faites très loin de ces zones, l'insecte est donc bien présent dans la garrigue .

J’ai bien sûr dans le jardin thym, lavandes, sauges et camomille mais je n’ai jamais trouvé d’Arima sur mes plantes, heureusement pour elles !   L’insecte est restreint aux départements provençaux  et aux voisins italiens.




17 commentaires:

  1. Quelle belle enquête! Bravo Lucie pour ta patience et ta persévérance!

    RépondreSupprimer
  2. Ah vraiment curieux et passionnants, tes épisodes!
    Je n'avais jamais entendu parler de cet insecte et donc je n'aurais jamais pensé faire le lien entre l'imago et sa chenille!
    Un très beau reportage!
    Bon dimanche et bises à vous deux!

    RépondreSupprimer
  3. Il faut toute ta sagacité pour déceler que cette chenille noire n'en est pas une ! Bravo !
    Et ainsi réunir toute la famille Arima marginata sur cette page.
    Un message qui montre bien tout l'intérêt des observations de proximité et démontre qu'il ne faut
    pas se précipiter pour publier...

    RépondreSupprimer
  4. bon un petit moment que je n'est pas posté sur ton blog, je viens de faire le tour de tes derniers posts et je suis toujours aussi fan de tes images et commentaires :). Je suis bien occupée en ce moment et le net est un peu mis de coté, ben oui c'est ça les filles on trouve toujours plein de choses à faire ;:)

    RépondreSupprimer
  5. Je ne sais pas même avec tes explications précises si je saurais faire la différence entre une chenille et une larve de cet insecte.
    Très intéressant ce billet.
    Bises

    RépondreSupprimer
  6. Comme quoi la patience récompense, une belle saga et des photos splendides.
    bonne soirée
    chatou

    RépondreSupprimer
  7. Et bien tu es la Arsene Lupin des insectes... Encore une très belle recherche et de très belles photos. Bravo et merci pour la partage;-)

    RépondreSupprimer
  8. Tu es plus tenace et effiace que moi, mais je fonctionne un peu ainsi. J'adore cette enquête §
    Je n'en ai jamais vu. Mais si c'est juste en Provence, c'est normal.
    Merci pour le topo sur la distinction chenilles/autres larves.
    J'ai noté aussi une différence dans la répartition de poils, mais ça n'est peut-être pas typique, pas un crière utilisable ?

    Bonne journée !

    RépondreSupprimer
  9. Merci à tous pour vous être arrêtés et avoir ajouté votre commentaire sur cette page. J'apprécie beaucoup !
    Pour répondre à Claudie, les soies ne sont pas un critère de différenciation entre larve de coléoptères et chenilles de papillons. Les chenilles de papillons présentent des soies de taille , forme couleurs variés et certaines sont glabres.

    RépondreSupprimer
  10. Étonnant et comme souvent on a des surprises, on rapproche de ce que l'on connait et puis c'est autre chose que l'on a.

    Chapeau !

    RépondreSupprimer
  11. en voila qui doivent attendre le retour des beaux jours avec impatience ,merci de cette présentation très complète ...

    RépondreSupprimer
  12. Ton autre nom ne serait-il point Hercule Poirot, par hasard?
    De belles images et un très intéressant reportage! Merci pour ce partage!

    RépondreSupprimer
  13. Bonsoir Lucie, chouette un Serin cini je n'en pas encore vu pour l'instant ici. J'ai revu ta bébête avec plaisir!
    douce soirée
    chatou

    RépondreSupprimer
  14. Bonsoir Lucie,
    Je partage l'admiration de tes autres fans pour tes stratégies de recherche et de classification. J'ignorais de plus que la lavande, avec son parfum que l'on sent loin à la ronde, pouvait être victime de prédateurs, comme l'arima. Y a-t-il d'autres ravageurs de cette plante? Sais-tu comment font les cultivateurs pour enrayer les attaques et maintenir des cultures bio?

    RépondreSupprimer
  15. Et pourtant j'avais commenté cette page !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, mais c'était il y a longtemps, l'oubli a fait son chemin!Moi aussi je pensais que je l'avais publiée plus près de maintenant!

      Supprimer
  16. Je viens de découvrir que mon plant d'hysope qui était bien joli jusqu'à hier n'a plus une seule feuille, arima marginata est passée par là, pourtant je suis à Paris. Que faire pour lui faire retrouver son lustre? Merci d'avance pour votre aide. Sylvia

    RépondreSupprimer

Votre avis sur ce sujet m'intéresse;je lis toujours les commentaires avec beaucoup de plaisir, ...même si je n'y réponds qu'occasionnellement.